SOUVENIRS DE SOLEILS
F. de Lancelot
SCÉNARIO
EXT. VUE HOLOGRAPHIQUE — ESPACE
OUVERTURE AU NOIR
Apparaît en image holographique la vue d’une galaxie, tandis que s’affichent à l’écran le titre et les crédits d’ouverture. Dans le même temps, une voix féminine prononce quatre vers de Charles Baudelaire.
ALEXANDRA (VOIX OFF)
C’est grâce aux astres nonpareils,
Qui tout au fond du ciel flamboient,
Que mes yeux consumés ne voient
Que des souvenirs de soleils.
La caméra zoome sur un point de la galaxie. Le zoom s’accélère jusqu’à devenir flou.
EXT. VUE HOLOGRAPHIQUE — ESPACE (ACTION CONTINUE)
Le zoom s’arrête sur la représentation holographique d’un système stellaire. Il se compose d’un soleil, indiqué sous le nom de « naine jaune NJ–YD FKS8542.58 », d’une planète habitable indiquée sous le nom de « YESOD (planète habitable) » et d’une géante gazeuse indiquée « TYFERETH (géante gazeuse) ». La caméra tourne autour de la représentation holographique de Yesod et zoome sur elle.
ZÉLINE (VOIX OFF)
Yesod, seule planète habitable du système. Ma famille, la maison royale d’Orléannes, y régnait depuis quelques siècles déjà, et la maison d’Hasbörg, famille rivale, n’était jamais que notre vassale. Ces relations féodales étaient certes entachées de quelques coups bas et autres persiflages, mais rien qui n’ait pu remettre en question la domination de la famille royale. Rien, jusqu’au jour où la population de Yesod vit apparaître dans sa voûte céleste une flotte de croiseurs de ligne impériaux.
Apparaît sur la représentation holographique une flotte de croiseurs interstellaires, si massifs qu’ils sont visibles sur la représentation holographique de la planète.
ZÉLINE (VOIX OFF, CONT’D)
Cela faisait quelques millénaires que le système de Yesod était coupé du reste de l’humanité, tant et si bien que l’existence d’une quelconque vie humaine hors de la planète tenait plus de la légende que de la vérité.
La caméra zoome sur la planète. Le zoom s’accélère jusqu’à devenir flou.
EXT. RUINES URBAINES — NUIT (ACTION CONTINUE)
Le zoom s’arrête sur le visage de ZÉLINE (20), qui se retrouve face caméra. Elle est assise dehors à côté de sa tente militaire, au milieu de ruines urbaines. Vêtue d’un treillis militaire noir et d’un débardeur, ses cheveux sont lâchés. Elle est sale, on sent qu’elle vit dehors, clandestinement.
ZÉLINE
(parlant à la caméra, CONT'D)
Cette flotte impériale redistribua les cartes : la planète devait prêter allégeance à l’empereur ou subir son courroux. Mon père, le roi de Yesod, refusa de s’incliner et finit exécuté sur la place publique. Quelle aubaine ce fut pour la maison d’Hasbörg dont le patriarche se ceignit de la couronne royale et prêta allégeance à cet empereur d’au-delà des étoiles. Bien sûr, je ne restai pas sans rien faire. Je pris les armes et le maquis, et notre premier acte de résistance fut cet attentat à la bombe à fusion qui eut raison du patriarche. Mais à quoi bon… demain, son fils, le prince Arnulf d’Hasbörg va être couronné…
Zéline se lève alors, tourne le dos à la caméra, et rentre dans sa tente. Elle se déshabille pour aller se coucher, s’allonge dans son lit de camp, et ferme les yeux.
FONDU AU NOIR.
INT. CHAMBRE DU PRINCE — NUIT
ARNULF (25) est dans sa chambre, debout, face à la fenêtre. C’est une chambre royale, richement décorée et fort spacieuse et élégante. On FRAPPE à la porte.
ARNULF
Quoi, encore ?
Rentre alors une SERVANTE (20) qui s’approche d’Arnulf.
SERVANTE
Que Son Altesse le prince Arnulf d’Hasbörg pardonne mon intrusion à une heure aussi tardive, mais demain est un grand jour.
ARNULF (TON AGACÉ)
Et alors ? Tu crois que je ne le sais pas ?
SERVANTE
Les préparatifs vont être longs et épuisants. Je ne saurais que trop recommander à Son Altesse de ne point veiller ce soir.
ARNULF
Comment veux-tu que je dorme alors que je vais me faire couronner demain ?
SERVANTE
Est-ce la menace de la terroriste Zéline d’Orléannes qui trouble ainsi le sommeil de Son Altesse ?
ARNULF
Pfff… Non. Elle est insignifiante. La marine impériale veillera au bon déroulement des événements et à ma sécurité. Je n’apprécie guère déléguer ce genre de choses à ces envahisseurs, mais bon…
SERVANTE
Il est temps pour Son Altesse de se reposer alors. Qu’elle me laisse l’aider à rejoindre son lit.
La servante commence à déshabiller Arnulf sans attendre son consentement. Arnulf se laisse faire et la servante fait la conversation pendant qu’elle le prépare pour le coucher. Elle palpe également ses biceps.
SERVANTE
Son Altesse est superbe dans cette tenue. Demain, Son Altesse resplendira quand elle prendra la succession de son père sur le trône de Yesod.
ARNULF
Laisse donc mon père tranquille, va. Rechercher, trouver et pendre ces terroristes va être ma première action en tant que souverain.
SERVANTE
Je suis certaine que Son Altesse va vivre un couronnement digne de sa grandeur.
ARNULF
Allez, laisse-moi finir va, je vais aller me coucher, tu peux disposer.
La servante quitte la pièce et Arnulf lui claque les fesses pour accompagner son départ. Presque nu, il finit de se déshabiller et s’allonge dans son lit, sous les draps. Il ferme les yeux.
FONDU AU NOIR.
EXT. COURSIVE (PALAIS ROYAL) — NUIT
Coursive extérieure du palais royal, pouvant s’apparenter à une sorte de grand balcon. Le LIEUTENANT DE VAISSEAU GEORGES KENT (30) est assis à même le sol, contre le mur, et fume une cigarette. Il porte son uniforme blindé d’officier de la Marine impériale. On entend d’abord des BRUITS DE TALONS et apparaît ensuite l’AMIRAL ALEXANDRA SOKOLOV (35), qui, debout du haut de ses talons, pose les yeux sur Georges. Celui-ci fait mine de se lever.
ALEXANDRA
Je vous en prie, Kent, restez assis. La journée va être longue demain. Vous ne vous êtes toujours pas présenté au petit roitelet ?
GEORGES
Le prince Arnulf d’Hasbörg ? Il n’a pas besoin de savoir qui assure sa sécurité. J’ai des hommes en garde rapprochée, d’autres assurant un périmètre plus large. Quant à moi, seul sur mon perchoir, je veille au grain. Laissons donc ce jeune bateleur jouer sur son trône, sur sa planète de primitifs. Tant qu’il sert l’Empire, le reste n’a que peu d’importance.
ALEXANDRA
Je suis ravie de constater que nous voyons les choses de la même façon. Lieutenant de vaisseau Georges Kent, au service de l’empereur, je vous souhaite une bonne soirée.
GEORGES
Amiral Alexandra Sokolov, au service de l’empereur, je ne vous décevrai pas.
ALEXANDRA
Je n’en doute pas, lieutenant, je n’en doute pas.
L’amiral continue alors son chemin, au BRUIT DE SES TALONS. Georges penche la tête en arrière et ferme les yeux.
FONDU AU NOIR.
INT. CHAMBRE IMPÉRIALE — NUIT
Le docteur OKSANA Zakharina (20) est dans sa chambre, face à un moniteur d’appel longue distance. C’est une petite chambre, assez spartiate, disposant de peu de mobilier. Sur l’écran, on voit une femme, la MÈRE (50) d’Oksana. Toutes deux dialoguent.
OKSANA
(lassée par la conversation)
Non, maman, je ne sais pas pourquoi je suis là.
MÈRE
Mais on t’a quand même bien dit sur quoi tu allais travailler, non ?
OKSANA
Sur un projet secret oui. Mais non, je ne connais pas le contenu de ce projet. Et quand bien même ce serait le cas, je ne pourrais pas t’en parler.
MÈRE
Je ne comprends pas pourquoi tu as traversé la galaxie alors que tu ne sais même pas ce qu’on te propose.
OKSANA
On me propose de travailler sur un projet primordial pour l’Empire. J’en saurai plus demain.
MÈRE
Oui, mais…
OKSANA (LA COUPANT)
Je dois te laisser maman, on frappe à la porte. Je t’embrasse, à bientôt.
Il n’y a eu AUCUN BRUIT à la porte. Oksana raccroche, soupire, se lève, s’étire et se déshabille pour se mettre au lit. Elle se glisse dans ses draps et ferme les yeux, la caméra zoomant sur son visage.
FONDU AU NOIR, MATCH CUT.
INT. CELLULE DE PRISON — SOMBRE
MATCH CUT SUR LE VISAGE D’OKSANA
Oksana est uniquement vêtue d’une blouse blanche, elle est parfaitement nue dessous. Quand elle ouvre les yeux, elle inspecte son environnement avec agitation.
OKSANA
Putain ! Mais c’est quoi ce bordel, je suis où ? Qu’est-ce que je fous encore en prison ? Putain d’Empire…
Elle constate sa nudité sous la blouse. Elle est dans une pièce vide, enfermée derrière une paroi vitrée.
OKSANA
Non mais c’est quoi ce bordel ! Pourquoi je suis à poil ?
Elle ramasse ses lunettes qui sont au sol, s’approche de la vitre de la cellule et TAMBOURINE sur la porte vitrée.
OKSANA (HURLANT)
EH ! OH ! Y’A QUELQU’UN ICI ? EH !
Elle continue de TAMBOURINER.
INT. SALLE DES MACHINES — SOMBRE
Arnulf se réveille dans une salle des machines. Il est habillé comme un maquisard. Il s’en rend compte.
ARNULF
Qu’est-ce donc que cette mauvaise blague ? Si je retrouve celui qui m’a habillé comme un paysan, il va aller travailler dans les mines jusqu’à la fin de ses jours.
Arnulf observe ses mains.
ARNULF (CONT’D)
Bon, les gants ne sont pas complètement déplaisants, c’est au moins…
Il ne finit pas sa phrase car son regard est attiré par un orbe bleu enfermé dans une baie vitrée. L’orbe émet des éclairs qui frappent la vitre.
Il s’approche tout en parlant, observe l’orbe et pose les mains sur la vitre.
ARNULF (CONT’D)
Qu’est-ce donc que cette chose ? un œuf ?
(un temps)
Bon, peu importe. Qu’en est-il de ces impériaux censés assurer ma sécurité, où sont-ils donc ?
Arnulf se dirige vers la sortie de la salle, ouvre la porte et sort.
INT. PASSERELLE — SOMBRE
Sur la passerelle de la corvette spatiale sont allongés deux corps. Celui de Zéline, tenant dans ses mains un fusil laser, et celui de Georges, tenant d’une main son pistolet impérial à plasma. Zéline est la première à reprendre connaissance. Elle observe son environnement et découvre en face d’elle un officier impérial allongé sur le sol. Elle se précipite vers lui et avec son pied écarte le pistolet. Comme Georges commence à reprendre connaissance, Zéline braque son arme sur lui.
ZÉLINE
Reste à terre, Impérial, ou j’ouvre le feu.
GEORGES
Tiens, une terroriste. Je suis impressionné que tu sois parvenue jusqu’à moi. J’espère que les hommes qui t’ont laissé passer sont morts, c’est un sort qui serait pour eux préférable.
ZÉLINE
De quoi parles-tu ? Où sommes-nous, là ?
GEORGES
Eh bien…
Georges ne finit pas sa phrase et profite de la conversation pour pivoter sur le côté et faucher les jambes de Zéline avec ses propres jambes. Zéline tombe à la renverse. Georges se relève et prend le fusil des mains de Zéline et la braque avec. Il recule ensuite de plusieurs pas en direction de son pistolet, s’accroupit pour le ramasser, le range dans l’étui à sa ceinture, tout en braquant le fusil laser sur Zéline.
GEORGES
Bon, jeune terroriste. Explique-moi ce que tu fais là maintenant. Et donne-moi une bonne raison de ne pas t’abattre sur le champ.
Arnulf ouvre la porte à ce moment et ne laisse pas le temps à Zéline de répondre. Georges garde le fusil dans une main et dégaine son pistolet de l’autre. Il braque désormais Zéline avec le fusil et Arnulf avec le pistolet.
GEORGES
Plus un geste, terroriste.
Arnulf n’écoute pas et pointe sur arme vers Georges. Georges ouvre le feu et touche Arnulf à l’épaule. Celui-ci est projeté au sol et HURLE sous l’impact. Il est à terre, dans l’encadrement de la porte qui n’a pas eu le temps de se refermer.
Le coup de feu a déchiré les vêtements. On découvre à travers les vêtements déchirés qu’Arnulf a un bras cybernétique. Celui-ci l’observe.
FONDU AU BLANC, MATCH CUT.
INT. CHAMBRE D’HÔPITAL — JOUR (FLASH-BACK)
MATCH CUT SUR ARNULF ET SON BRAS.
Arnulf est allongé dans un lit d’hôpital. On distingue à peine les murs tant l’image est floue, pâle et chancelante. Les voix résonnent et sont étouffées. Arnulf a la moitié du visage bandé, ainsi que le crâne. Il a un bras pris depuis l’épaule dans des bandages. TROIS MÉDECINS sont autour du lit.
MÉDECIN 1
Ne vous en faites pas pour votre bras. Je comprends que cette amputation soit éprouvante, mais votre nouveau membre cybernétique va fonctionner à merveille, vous verrez.
MÉDECIN 2
Vous savez, c’est un miracle que vous ayez survécu à cet accident, mais bientôt, ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
ARNULF
(parlant pour lui-même)
Ce n’était pas un accident…
FONDU AU BLANC.
INT. PASSERELLE — SOMBRE
GEORGES
Bon, monsieur le prince, je vous saurai gré d’écouter mes instructions si vous voulez que je vous garde en vie. Maintenant, dites-moi ce que vous faites tous les deux sur le pont d’une corvette impériale.
ARNULF & ZÉLINE (EN CHŒUR)
D’une corvette impériale ?
GEORGES
Ne jouez pas les innocents, ça va vite m’agacer. Vous êtes habillés de la même façon et vous n’avez ni l’un ni l’autre votre place ici, alors répondez à ma question : que faites-vous ici ?
ARNULF
Je ne m’explique pas cet accoutrement grotesque. La seule réponse envisageable est que ces terroristes m’ont lavé le cerveau et embrigadé avec eux. Ou quelque chose du genre. Soldat, abattez cette terroriste !
GEORGES
Je ne suis pas soldat, je suis lieutenant de…
Une FORME VAGUEMENT HUMAINE d’un noir rougeâtre et dotée de cinq membres jaillit par la porte restée ouverte, empêchant Georges de finir sa phrase. La bête renverse Arnulf qui était dans l’encadrement de la porte et se rue sur Zéline. Georges réagit en tirant sur la bête. Celle-ci HURLE mais continue son avancée. La bête commence à arracher les vêtements de Zéline. Georges jette à terre son pistolet impérial et ouvre le feu avec le fusil laser à plusieurs reprises. La bête HURLE plusieurs fois avant de battre en retraite. Elle piétine Arnulf qui est toujours dans l’encadrement de la porte. Georges se lance à sa poursuite, enjambant Arnulf. Zéline se relève, ramasse le pistolet au sol et suit Georges. Arnulf se relève enfin et suit Georges et Zéline.
INT. COURSIVE (PRISON) — SOMBRE (ACTION CONTINUE)
Les coursives du vaisseau sont très étroites, pouvant rappeler celles d’un sous-marin. Georges, qui est devant, est le seul à avoir la place pour tirer. Il finit par abattre la bête. Les trois personnages s’approchent du cadavre de la bête et ils entendent alors une VOIX.
OKSANA (HORS CAMÉRA)
EH ! Y’A QUELQU’UN ? ALLO ? ALLOOOO !
Les trois personnages suivent la voix et ouvrent la porte qui donne sur la salle où se trouve la cellule.
INT. PRISON — SOMBRE (ACTION CONTINUE)
Les trois personnages entrent dans la pièce. Il y a dans la pièce un espace au centre avec une table et deux chaises, ainsi qu’un grand casier fermé. Sur un des murs, il y a une baie vitrée qui est en réalité une cellule. Zéline voit Oksana enfermée dans la cellule et s’approche du bouton d’ouverture de la porte.
GEORGES
Non, ne faites…
Zéline écrase le bouton d’ouverture et la porte s’ouvre.
GEORGES
(d’une voix dépitée, CONT'D)
… Pas ça.
ZÉLINE
Trop tard.
Georges observe le prisonnier et s’adresse à elle.
GEORGES
Je suis le lieutenant de vaisseau Georges Kent, de la marine impériale, au service de l’empereur. Déclinez votre identité.
OKSANA
Je suis le docteur Oksana Zakharina, au service de l’empereur. Mais, sans vouloir vous manquer de respect, ce sont là les insignes d’un capitaine de frégate que vous arborez, monsieur, non celle d’un lieutenant de vaisseau.
Georges baisse les yeux pour inspecter ses galons. Il entend une voix féminine résonner dans son crâne.
ALEXANDRA (VOIX OFF, PRELAP)
Capitaine de frégate Kent, au service de l’empereur…
FONDU AU BLANC
INT. BUREAU DE L’AMIRAL — JOUR (FLASH-BACK)
L’amiral Alexandra Sokolov est assise à son bureau. Georges est assis face à elle. L’image est floue, chancelante, délavée, avec de l’écho.
ALEXANDRA (CONT’D)
… vous avez désormais le commandement de cette corvette expérimentale. Rarement dans l’histoire de la Marine impériale officier n’a aussi vite gravi les échelons. J’espère que vous saurez vous montrer digne de cette promotion et que…
La voix s’éteint sans qu’on ait la fin de la phrase.
FONDU AU BLANC.
INT. PRISON — SOMBRE
Les quatre personnages se regardent en silence. Zéline finit par briser le silence.
ZÉLINE
Pour ma part, je suis Zéline d’Orléannes, prétendante au trône de Yesod et…
ARNULF (LA COUPANT)
Prétendante de rien du tout. Le seul prétendant au trône, c’est moi, Arnulf d’Hasbörg, fils de…
ZÉLINE (LE COUPANT)
Fils de pute, oui, nous sommes au courant.
Arnulf braque son arme sur Zéline. En réponse, Zéline braque son pistolet sur Arnulf. En réaction, Georges brandit son fusil dans leur direction. Il prend la parole.
GEORGES
Bon, les présentations sont faites, tout le monde est content ? Maintenant, mademoiselle le docteur, vous pouvez nous dire ce que vous faisiez dans cette cellule ?
OKSANA
J’imagine que mes recherches ont dû déplaire à certains… rien de vraiment inhabituel quand on fait du génie génétique. L’empire a un certain talent pour faire régner l’obscurantisme.
GEORGES
Surveillez vos paroles, docteur, je ne saurais tolérer ce genre de propos dans mon vaisseau.
ZÉLINE
Donc comme ça c’est ton vaisseau ? Tu vas peut-être pouvoir nous expliquer ce qu’on fait tous là alors.
GEORGES
Manifestement, il s’est passé quelque chose dans notre cerveau qui a interféré avec notre mémoire. Moi je suis là parce que je suis le commandant de cette corvette. La question serait plus de savoir ce que vous vous faites là.
ARNULF
Moi, j’ignorais qu’on était dans une corvette, ou même dans l’espace, avant que vous m’en informiez. Au début, je pensais que nous étions dans une sorte de laboratoire secret souterrain.
OKSANA
De laboratoire ? Quel laboratoire ?
ARNULF
Là-bas, au bout du couloir, il y a un œuf vibrant qui fait de la lumière.
ZÉLINE
Un œuf vibrant, rien que ça ? S’il fait de la lumière, c’est qu’il est déjà plus performant que ton cerveau.
Arnulf commence à pointer son fusil sur Zéline, mais Georges pose la main sur le canon de l’arme et la fait baisser.
GEORGES
Puisque vous êtes scientifique, docteur Zakharina, venez donc observer l’étrange bête que j’ai abattue, peut-être vous dira-t-elle quelque chose.
Les quatre personnages retournent dans la coursive.
INT. COURSIVE (PRISON) — SOMBRE (ACTION CONTINUE)
Ils découvrent en place de la bête noire le CADAVRE d’un homme entièrement nu, en érection. Au sol se trouve une espèce de cendre rougeâtre. Oksana se penche sur le cadavre, prend son pouls à la gorge et fait « non » de la tête. Elle passe ensuite ses doigts dans la cendre.
OKSANA
(murmurant pour elle-même)
J’ai déjà vu ça quelque part…
(un temps, aux autres)
Bon, je confirme, cet homme et bel et bien mort. Son érection post-mortem est probablement le signe d’une lésion cérébrale causée par les tirs dont il a été victime, ou plus simplement, la conséquence de la rapidité et de la violence de sa mort. Je n’y vois rien d’anormal. En revanche, cette cendre qui entoure son corps est plus inhabituelle.
ZÉLINE
Il en était entièrement recouvert. C’était presque une deuxième peau, c’était très étrange. Et cet homme, je le connais, c’était l’un des anciens lieutenants de mon père.
GEORGES
Alors c’est vous qui avez amené cette contamination maléfique en montant à bord du vaisseau !
Georges recule d’un pas et lève le canon de son arme en direction de Zéline.
OKSANA
Calmez-vous, capitaine. C’est trop tôt pour arriver à de telles conclusions. Pour l’instant, nous ne savons rien du phénomène.
GEORGES
Vous avez raison. Après tout, c’est vous la scientifique qu’on a trouvé emprisonnée, il serait bien plus logique de supposer que la contamination vient de vos obscures machinations. Mais l’heure n’est pas aux suppositions. Retournons sur la passerelle, il faut absolument scanner ce vaisseau. Je ne vois d’équipage nulle part et ça m’inquiète.
Les quatre personnages se dirigent vers la sortie de la prison.
INT. PASSERELLE — SOMBRE
Les quatre personnages entrent dans la passerelle. Ils ont tous les quatre des fusils à plasma impériaux. Oksana laisse pendre son arme au bout de son bras comme si elle ne savait pas s’en servir. Arnulf inspecte le sien avec fascination.
ARNULF
C’était une bonne idée de s’arrêter à l’armurerie, ils ont l’air de plutôt bonne confection, ces fusils impériaux.
GEORGES (POUR LUI-MÊME)
Quelle bande de primitifs…
Tandis que Zéline et Arnulf regardent leur fusil de plus près, Georges s’installe dans le fauteuil de commandement, s’allume une cigarette et pianote sur le clavier de commandes.
GEORGES
(d’une voix assez forte pour être entendu)
Bon. Les moteurs sont éteints. Nous tournons actuellement sur les générateurs de secours. Impossible de lancer le scan pour le moment. Toi, le roitelet, accompagne la scientifique à la salle des machines et débrouillez-vous pour rétablir le courant.
Arnulf fait mine de s’offusquer de l’affront subi, mais Oksana le prend par le bras et le traîne jusqu’à la porte.
OKSANA
Allez, amène-toi. Plus vite on remet les moteurs en marche plus vite on quitte ce navire de malheur.
Georges s’installe plus confortablement dans son fauteuil, soupire lourdement, penche la tête en arrière et ferme les yeux un instant.
FONDU AU BLANC, MATCH CUT.
INT. PASSERELLE — JOUR (FLASH-BACK)
MATCH CUT sur Georges dans son fauteuil de commandement, les yeux fermés. L’image est toujours pâle, mais est nette, de même que le son. Il tient une cigarette en main.
Une notification de communication entrante SONNE. Georges ouvre les yeux, accepte la communication et le visage de l’amiral Alexandra Sokolov apparaît à l’écran.
ALEXANDRA
Capitaine de frégate Kent, au service de l’empereur, comme vous le savez, nos recherches dans le système Yesod sont désormais achevées. L’oblitérateur est prêt et cette planète insoumise refusant la grâce de l’empereur servira donc de test.
Votre mission est donc simple : pénétrer dans l’atmosphère yesodienne, larguer votre cargaison et rentrer à bord du croiseur stellaire.
GEORGES
À vos ordres, amiral Sokolov, au service de l’empereur.
La communication se coupe.
FONDU AU BLANC.
INT. PASSERELLE — SOMBRE
Georges ouvre les yeux et se lève d’un bond.
GEORGES (HURLANT)
Il faut aller voir la soute, immédiatement !
Georges marche d’un pas leste vers la porte et Zéline le suit en silence.
INT. COURSIVE (SOUTE) — SOMBRE
Georges et Zéline sont dans une coursive un peu large, devant la porte menant à la soute. Ils observent tous deux la baie vitrée montrant le contenu de la soute. Ils voient un immense cocon filandreux qui emplit entièrement la soute. En son centre pulse une lumière d’un rouge sombre. Trois ombres noires surgissent du cœur du cocon et s’approchent de l’ouverture. La porte s’ouvre d’elle-même. Georges écrase la commande d’ouverture, mais la porte reste ouverte.
Les deux personnages lèvent leurs fusils et ouvrent le feu. Les bêtes noires HURLENT sous le feu mais ne reculent pas.
INT. COURSIVE (SOUTE) — JOUR (ACTION CONTINUE)
L’intensité des lumières augmente soudainement. Zéline réussit à abattre une bête noire. C’est alors que deux autres bêtes noires surgissent, pour un total de quatre bêtes vivantes.
GEORGES (HURLANT)
Diable ! Mais c’est pire qu’une hydre ce truc ! Elle en a encore combien dans le ventre, des bestioles comme ça ?
Les bêtes, ralenties par les tirs, se rapprochent malgré tout dangereusement de l’entrée. Georges et Zéline reculent de quelques pas.
INT. COURSIVE (SALLE DES MACHINES) — SOMBRE
Oksana et Arnulf sont face à la porte de la salle des machines.
OKSANA
Nous voilà arrivés, la salle des machines est derrière cette porte.
ARNULF
Eh bien entrons.
Arnulf écrase du poing le bouton d’ouverture de la porte. Il s’écarte pour laisser passer Oksana la première et l’accompagne en posant la main dans le dos d’Oksana. Oksana tourne son visage et les regards des deux personnages se croisent. Un léger frisson traverse Oksana. Elle continue d’avancer.
INT. SALLE DES MACHINES — SOMBRE (ACTION CONTINUE)
Oksana entre dans la salle des machines, suivie par Arnulf. Elle s’approche de l’orbe bleu et pose les mains sur la vitre.
OKSANA (POUR ELLE-MÊME)
J’ai déjà vu ça…
Arnulf s’approche d’elle.
ARNULF
Tu as dit quoi ?
OKSANA
Rien. Il faut remettre les moteurs en route.
(pour elle-même)
Alors, d’où vient cette foutue coupure ?
Oksana consulte les divers écrans, et alors qu’elle s’affaire…
FONDU AU BLANC, MATCH CUT.
INT. SALLE DES MACHINES — JOUR (FLASH-BACK)
MATCH CUT sur Oksana s’affairant dans la salle des machines
OKSANA (POUR ELLE-MÊME)
Bon bon bon, surcharger le cœur, ça ne devrait pas être si compliqué que ça. Et disparaître dans une telle explosion, ça aura au moins le mérite d’être une belle mort.
(un temps)
Alors, l’arrivée de la soute est ici, et…
Sa phrase est interrompue par la porte qui s’ouvre. Oksana est effrayée par Georges qui passe la porte accompagné de DEUX MILITAIRES.
GEORGES
Vous me décevez, docteur Zakharina, j’aurais pensé que vous prendriez votre tâche avec plus de raison… Mettez-la aux arrêts.
Les deux militaires se saisissent d’Oksana et la traînent vers la sortie. Oksana est résignée et ne lutte pas.
INT. PRISON — JOUR (FLASH-BACK)
Oksana est placée debout au milieu de la prison. Elle enlève ses chaussures qu’elle pousse sous la table et sa blouse qu’elle jette au sol, dans la cellule. Les deux militaires commencent à enlever/arracher ses autres vêtements sans délicatesse et les posent sur la table. DEUX AUTRES MILITAIRES sont également présents, un peu en retrait.
GEORGES
Vous connaissez la procédure militaire standard, docteur Zakharina. Fouille intégrale.
OKSANA
Oh ! Ne vous inquiétez pas pour moi, capitaine, ce n’est pas la première fois…
Les soldats déshabillent entièrement Oksana puis fouillent chacun de ses orifices avec minutie. Oksana se laisse faire. La fouille finie, les deux militaires s’écartent et Georges vient se placer face à Oksana, à quelques centimètres d’elle. Pendant que Georges et Oksana parlent, les militaires ramassent les vêtements et les rangent dans un casier. Ils oublient la blouse dans la cellule et les chaussures qui restent sous la table. Pendant ce temps, Georges et Oksana continuent de parler.
GEORGES
Vous devez dans ce cas également savoir, docteur Zakharina, qu’en faisant œuvre de trahison contre l’Empire, vous perdez tous les droits afférents à votre citoyenneté.
OKSANA
Je connais la politique répressive de l’Empire, oui.
GEORGES
Pourquoi vouloir le trahir dans ce cas-là ? L’empereur est seul juge de qui doit vivre et qui doit mourir. Votre opinion n’est pas requise sur ce genre de sujets. Par votre acte de trahison, vous êtes devenue ennemie de l’empereur. Et vous êtes une personne cultivée, vous savez ce qui arrive en temps de guerre aux femmes du camp adverse.
Oksana détourne le regard et recule d’un pas. Georges lui pose une main sur l’épaule et exerce assez de pression pour qu’elle s’agenouille devant lui. Georges sort son sexe déjà en érection et l’offre à la bouche de la jeune femme.
INT. PRISON — JOUR (FLASH-BACK, PORNOGRAPHIE, ACTION CONTINUE)
SCÈNE PORNOGRAPHIQUE
Scène entre Georges et Oksana. Il n’y a pas de violence, Oksana est docile et résignée à son sort.
Au cours de la scène, Georges amène Oksana dans la cellule et la laisse à l’intérieur quand il a fini. Tandis qu’il se rhabille, il fait d’un signe de tête comprendre aux quatre soldats que c’est désormais à leur tour.
INT. PRISON — JOUR (FLASH-BACK, PORNOGRAPHIE, ACTION CONTINUE)
SCÈNE PORNOGRAPHIQUE.
Gang bang entre les quatre militaires et Oksana. Oksana est terrorisée et essaie durant les premières secondes de résister.
Quand les quatre militaires ont fini, ils jettent à Oksana une boîte de mouchoir (ou un tissu quelconque) pour qu’elle puisse se nettoyer. Ils referment derrière eux la cellule. Oksana se nettoie succinctement et revêt sa blouse dans laquelle elle se blottit.
FONDU AU BLANC.
INT. SALLE DES MACHINES — JOUR
Oksana continue d’inspecter les consoles. Elle pousse un bouton et les lumières augmentent en intensité.
ARNULF
Ah ! Ben ça va, tu t’es bien débrouillée.
Oksana ne répond pas. Arnulf s’approche d’elle, pose sa main sur son épaule et la fait se retourner. Il pose ses mains sur les deux épaules de la jeune femme. Oksana frémit et détourne le regard.
ARNULF
Tout va bien ? Tu sembles ailleurs.
OKSANA
Oui… ouais, tout va bien. C’était juste le disjoncteur principal. Il n’est pas censé sauter, mais bon…
ARNULF
Tout va pour le mieux alors.
Arnulf prend le visage d’Oksana dans ses mains et la regarde dans les yeux. Elle fuit son regard, puis le retrouve. Arnulf fait descendre ses mains sur les hanches d’Oksana. Arnulf essaie d’embrasser Oksana. Oksana a un mouvement de recul.
OKSANA
Mais qu’est-ce qui ne va pas chez vous, monsieur d’Hasbörg ?
ARNULF
Je pensais que nous partagions un moment particulier, tu semblais…
OKSANA
Peu importe ce que je semblais, je n’ai pas la tête à ça, là. Je viens de revivre… non, rien.
ARNULF
De revivre quoi, Oksana ?
OKSANA
Mais rien, bordel ! Pourquoi tu ne t’occuperais pas de ton c…
De TIRS DE FUSIL interrompent la conversation. Arnulf et Oksana se regardent.
ARNULF & OKSANA (EN CHŒUR)
Allons-y !
Les deux personnages courent vers la porte et sortent de la pièce.
INT. COURSIVE (SOUTE) — JOUR
Georges et Zéline tirent sans relâche sur les bêtes noires. Une bête noire réussit à atteindre la porte. Georges et Zéline reculent une nouvelle fois. Georges abat la bête noire dans la coursive.
Arnulf et Oksana arrivent en courant. Arnulf se range immédiatement aux côtés de Georges et Zéline et ouvre le feu sur les bêtes noires. Oksana reste en arrière et pointe son arme sur le dos de Georges.
OKSANA
(murmurant pour elle-même)
Vengeance à peu de frais… ça en serait presque trop facile… capitaine Kent, au revoir, vos hommes seront les suiv…
GEORGES
On recule !
Georges, Zéline et Arnulf font quelques pas en arrière, pour ne pas se laisser déborder par les bêtes, et ce faisant, coupent Oksana dans son élan. Elle abaisse son fusil.
Ils finissent par venir à bout des cinq bêtes noires. La porte de la soute se referme d’elle-même. Quatre sont mortes dans le cocon, la cinquième dans la coursive.
Trois des personnages se massent autour du cadavre qui déjà reprend forme humaine. Oksana s’approche de la soute et colle son visage contre le hublot de la soute.
OKSANA (POUR ELLE-MÊME)
Les rouges… la géante gazeuse Tyfereth, la station spatiale… Orbes bleus domesticables, orbes rouges…
ZÉLINE
Oksana ? Qu’est-ce que tu racontes ?
OKSANA (SE RETOURNE)
Non, rien. C’est impressionnant cette lumière rouge dans la soute.
GEORGES
Ouais, assez rêvassé, docteur. Venez voir, on a le même phénomène que tout à l’heure. La bête noire se désagrège et laisse apparaître un homme.
Oksana s’approche du corps, le contemple, garde le silence quelques secondes, crache par terre et s’éloigne.
Les trois autres personnages se regardent les uns les autres.
GEORGES
Bon, manifestement cette lumière rouge enserrée dans ce cocon a corrompu les passagers de ce navire, excepté ceux d’entre nous qui étaient enfermés dans la prison, sur la passerelle, ou Dieu sait où.
Le regard de Georges se porte sur Arnulf.
GEORGES (CONT’D)
Vous êtes combien de terroristes sur ce navire ? Histoire qu’on sache le nombre de bêtes noires à abattre.
ARNULF
Je ne suis pas un terroriste ! Je suis le prétendant au trône, et pour ce que j’en sais, il est même fort probable que je sois à l’heure actuelle roi de Yesod. Et j’aime autant vous dire que votre empereur de mes deux, il ne…
Georges donne un grand coup de crosse de fusil dans la tête d’Arnulf. Arnulf est projeté et s’effondre contre le mur.
GEORGES
On ne manque pas de respect envers l’Empereur.
La peau du visage de Georges est arrachée et révèle un œil cybernétique. Zéline s’accroupit auprès de lui et prend le visage métallique dans ses mains.
ZÉLINE (POUR ELLE-MÊME)
J’ai déjà vu ce visage de métal…
Georges s’approche également d’Arnulf et extirpe d’un compartiment près de l’œil une puce de données.
GEORGES
Ah ! la technologie impériale. Ma préférée. La seule valable. Voyons donc ce qu’il y a sur cette micropuce, peut-être en apprendrons-nous un peu plus sur la raison de votre présence ici, messire le roi de la planète. En route pour la passerelle.
INT. COURSIVE (TORPILLE) — JOUR
Au détour d’une coursive, les personnages découvrent une torpille d’abordage fichée dans le mur.
GEORGES
Tiens tiens, une torpille d’abordage, vos technologies primitives sont fascinantes. Allons donc voir ce que nous allons y trouver.
Georges braque son arme vers la torpille et les trois autres personnages font de même.
L’intérieur est vide, hormis DEUX CADAVRES et le mot « TRAITP » écrit avec du sang sur le mur. L’un des cadavres est près du mot et a la main pleine de sang.
GEORGES
Eh bien ! mes petits terroristes, manifestement l’un d’entre vous est un traître. Serait-ce vous, mon petit roitelet ? Seriez vous finalement resté fidèle à l’Empire ?
ARNULF
Je n’ai jamais été un terroriste. Je suis le roi de Yesod et je…
GEORGES (LE COUPANT)
Oui oui, peu m’importe. Vu la taille des banquettes, on peut en déduire qu’il y avait au maximum huit personnes là-dedans. Moins les deux cadavres et vous deux, ça nous laisse quatre bêtes noires potentielles. Si l’on ajoute à ça les quatre hommes d’équipage manquant et qu’on peut supposer contaminés, moins les deux bêtes qu’on a tuées, ça nous laisse une menace d’encore cinq ou six bêtes noires pouvant surgir à tout moment. Restez sur vos gardes et regroupons-nous sur la passerelle, il ne faudrait pas qu’elles en prennent possession.
INT. PASSERELLE — JOUR
Georges est assis dans son fauteuil de commandement et insère la puce dans le lecteur. Il pianote brièvement sur les commandes, allume une cigarette, puis inspecte l’écran.
GEORGES
Bon. Première chose, j’ai réalisé le scan de la corvette qui n’a rien détecté. J’imagine que l’orbe rouge présent dans la soute brouille les détections, ce qui me laisse supposer que toutes les bêtes noires se sont regroupées là-bas. J’ai essayé d’ouvrir la soute pour larguer l’œuf dans le vide, mais le cocon le maintient accroché. Et ce qui nous intéresse n’est pas tant cet orbe maléfique que cette micropuce. Voyons-donc ce qu’a enregistré l’œil de notre roitelet.
(un temps)
Évidemment, fichiers corrompus… Sur les deux vidéos, je ne peux en lire qu’une. Voyons ce qu’elle contient.
Apparaît sur l’écran de la passerelle une vidéo de Zéline, face à la caméra, et derrière elle, la torpille d’abordage, prête à décoller.
EXT. RUINES URBAINES — CRÉPUSCULE (FLASH-BACK, ACTION CONTINUE)
Zoom sur l’écran, qui prend la totalité de l’image.
ZÉLINE
Je proclame solennellement avoir pour allié Arnulf d’Hasbörg, actuel roi de la planète Yesod, et lui jure fidélité jusqu’à éradication complète des forces impériales présentes dans le système. Ce sera pour nous la victoire ou la mort.
ARNULF (HORS CAMÉRA)
Je proclame solennellement avoir pour alliée la princesse Zéline d’Orléannes, et lui jure fidélité jusqu’à éradication complète des forces impériales présentes dans le système. Ce sera pour nous la victoire ou la mort.
ZÉLINE ET ARNULF
(en chœur, Arnulf HORS CAMÉRA)
La victoire ou la mort !
La caméra dézoome pour revenir à l’écran de la passerelle et la vidéo se coupe.
INT. PASSERELLE — JOUR (ACTION CONTINUE)
Georges éclate de rire. Zéline et Arnulf s’observent mutuellement. La caméra tourne autour de Zéline et Arnulf.
FONDU AU BLANC, MATCH CUT.
EXT. USINE DÉSAFFECTÉE — NUIT (FLASH-BACK)
MATCH CUT SUR LE PROFIL D’ARNULF & ZÉLINE
Arnulf a une capuche qui laisse son visage plongé dans l’ombre. Zéline a sa tenue de maquisarde.
ZÉLINE
Bon, c’est toi qui m’as fait venir ici, alors parle, maintenant. C’est quoi le problème ? Tes petits copains impériaux ne veulent plus te donner de susucres ?
ARNULF
Mes petits copains impériaux ont pour intention de détruire la planète.
ZÉLINE
Qu’est-ce que tu racontes encore comme idiotie… traverser la galaxie pour finalement détruire le monde qu’ils ont conquis ? Ça n’a pas de sens.
ARNULF
Nous sommes insignifiants pour eux. Ils sont en réalité présents dans le système depuis des décennies. Il y a une station spatiale de recherche en orbite autour de Tyfereth, la géante gazeuse. Leurs senseurs y avaient découvert une anomalie énergétique, ou quelque chose du genre, et ils sont venus l’étudier. Prendre possession de Yesod n’était pour eux qu’un moyen d’avoir une base de ravitaillement à proximité. Notre monde est trop peu avancé pour être d’une quelconque utilité dans la guerre qu’ils mènent. Aujourd’hui, leurs recherches sont achevées. Il y a dans Tyfereth des formes de vie énergétiques, des bleus et des rouges qui en s’accouplant génèrent des explosions si puissantes qu’elles pourraient détruire entièrement une planète comme la nôtre. C’est une arme de destruction d’une puissance incroyable… et qu’ils ont bien l’intention de tester sur Yesod.
ZÉLINE
Tu racontes n’importe quoi ! Dans quel piège essaies-tu de m’attirer ?
Arnulf enlève sa capuche et découvre un visage dont la moitié est métallique. Il prend la main de Zéline et la pose sur le métal de son visage.
ARNULF
Admire l’ironie de la chose. Comme j’en savais trop et que j’ai refusé de collaborer, ils ont essayé de me tuer, mais ayant manqué leur coup, ils ne pouvaient laisser mourir le roi de Yesod sans risquer une émeute planétaire, alors ils m’ont confié à leurs meilleurs docteurs. La semaine prochaine, une corvette de combat va s’envoler de leur base spatiale. À son bord, une arme de destruction massive, un oblitérateur de planète, comme ils l’appellent. Elle prendra pour cap Yesod et viendra s’écraser à la surface, ne laissant de notre monde natal qu’un champ d’astéroïdes.
ZÉLINE
Et comment aurais-tu eu connaissance de tout cela ?
ARNULF
J’ai eu accès à l’ordinateur de leur amiral. Non, ne me demande pas comment.
Arnulf a un sourire complice envers Zéline.
FONDU AU BLANC.
INT. PASSERELLE — JOUR
GEORGES
Bon, assez ri. Voyons quelles autres blagues vous nous réservez. Docteur Zakharina, si vous vouliez bien avoir l’obligeance de réparer cette micropuce ?
OKSANA
Parce qu’il est de notoriété publique que les scientifiques spécialisés dans le génie génétique sont aussi d’excellents techniciens informatiques…
GEORGES
Je vous en prie, docteur. L’Empire sait former ses scientifiques.
Oksana s’avance, arrache la puce des mains de Georges de mauvaise grâce et se dirige vers la porte
OKSANA
J’ai besoin de calme pour travailler. Je vais m’isoler ailleurs.
GEORGES
Ne te fais pas dévorer par une bête noire sur le chemin.
OKSANA
Va chier.
GEORGES
Et n’essaie pas non plus de saboter le vaisseau une nouvelle fois.
OKSANA
Va chier.
(murmurant pour elle-même)
Et va te suicider, pauvre merde.
INT. COURSIVE (SALLE DES MACHINES) — JOUR
Oksana marche dans la coursive. Elle s’arrête devant la porte de la salle des machines, l’ouvre et entre. La porte se referme. Des BRUITS DE COURSE se font entendre au loin. Ils se rapprochent.
Cinq bêtes noires apparaissent à l’écran et traversent la coursive.
INT. PASSERELLE — JOUR
Des BRUITS SOURDS se font entendre derrière la porte de la passerelle. Arnulf se lève.
ARNULF
Tiens, ça doit être Oksana.
Arnulf presse le bouton d’ouverture de la porte
ZÉLINE & GEORGES (HURLANT)
NON !
La porte est déjà en train de s’ouvrir. Les bêtes noires s’engouffrent les unes après les autres. Elles bousculent Arnulf qui est projeté au sol. Elles se ruent toutes sur Zéline. Georges tire. Il s’approche en continuant de tirer. Arnulf se relève et s’approche en tirant. Les deux hommes tirent presque à bout portant. Les bêtes noires HURLENT de douleur mais restent concentrées sur Zéline. Zéline essaie de se débattre sans succès. Le cinquième membre des bêtes noires est en réalité un sexe de taille démesurée. Zéline a le sexe qui n’est plus protégé par ses vêtements. Une bête essaie de la pénétrer. Zéline réussit à armer son fusil et tire dans la tête de la bête, ce qui la tue.
INT. SALLE DES MACHINES — JOUR
Oksana travaille sur un écran. On voit en arrière-plan l’orbe bleu pulser derrière la vitre.
OKSANA (PARLANT SEULE)
Et voilà ! Rien de bien compliqué. On se demande ce qu’il sait faire ce capitaine de frégate, à part tirer avec son flingue.
Apparaît sur l’écran d’Oksana une vidéo montrant l’amiral Alexandra Sokolov assise à son bureau. Arnulf est en POV, assis en face d’elle. Il tourne la tête sur le côté et on peut voir DEUX GARDES IMPÉRIAUX, tenant leur fusil.
La caméra zoome sur l’écran.
INT. BUREAU DE L’AMIRAL — JOUR (FLASH-BACK, ACTION CONTINUE)
Zoom sur l’écran, qui prend la totalité de l’image, toujours en POV d’Arnulf.
ALEXANDRA
Allons, Votre Altesse, ne prenez pas cette mine contrite. Vous avez pu servir l’Empire glorieusement deux longues années durant. Il est temps d’abandonner cette planète primitive et vous envoler vers d’autres cieux. Je comprends que c’est votre planète natale, que vous y avez vos attaches, mais une trop grosse partie de la population refuse votre royauté. Cela crée des tensions ingérables. Dites-lui adieu, regardez-la exploser du haut d’un croiseur interstellaire, savourez la mort de vos ennemis, et embrassez la gloire de l’Empire.
Arnulf reste silencieux. L’amiral se lève, fait le tour du bureau, se place derrière Arnulf. Arnulf tourne la tête pour la regarder. Elle commence à lui masser les épaules. Il regarde à nouveau devant lui, le fauteuil vide.
ALEXANDRA (HORS CAMÉRA)
Sachez qu’en tout cas moi, contrairement à cette planète d’insurgés, j’apprécie votre loyauté et vos compétences.
Arnulf baisse la tête car les mains d’Alexandra glissent sur le torse du jeune roi et entrent dans son pantalon. Arnulf essaie de se lever, mais le BRUIT DES GARDES ARMANT LEUR FUSIL le fait se rasseoir.
L’amiral fait tourner le fauteuil pour qu’Arnulf soit face à elle. Elle ouvre la chemise d’Arnulf. La culotte de l’amiral tombe et glisse toute seule le long de ses jambes sans qu’elle la touche ou même bouge.
Arnulf regarde l’amiral dans les yeux.
ARNULF (HORS CAMÉRA)
Vous savez que je ne pourrai pas vous laisser détruire ma planète.
ALEXANDRA
Dans ce cas-là, tu ne seras pas un obstacle bien longtemps, mon garçon.
L’amiral approche son visage d’Arnulf et l’embrasse. Bien vite la bouche de l’amiral descend le long du corps du jeune roi.
INT. SALLE DES MACHINES — JOUR (ACTION CONTINUE, PORNOGRAPHIE)
SCÈNE PORNOGRAPHIQUE.
La caméra dézoome. Oksana regarde la vidéo les jambes écartées, sa blouse ouverte sur son corps. Oksana laisse glisser sa main jusqu’à son entrejambe et commence à se caresser pendant que la scène pornographique continue sur le petit écran.
Oksana se caresse devant son écran.
OKSANA
(pour elle-même)
Putain, mais qu’est-ce qui cloche chez moi ?
INT. SOUTE ET SALLE DES MACHINES — JOUR
INTERCUT
Alternance de plans entre l’orbe bleu et l’orbe rouge. Les deux pulsent de plus en plus vite, de plus en plus fort. INTERCUT avec le plan de Zéline agressée sexuellement par les bêtes noires, les plans de l’orbe bleu, de l’orbe rouge, de Georges en train de tirer, d’Arnulf en train de tirer et d’Oksana en train de se caresser.
INT. SALLE DES MACHINES — JOUR (ACTION CONTINUE, PORNOGRAPHIE)
Oksana continue de se caresser, tandis que la caméra zoome sur l’écran.
INT. BUREAU DE L’AMIRAL — JOUR (FLASH-BACK, ACTION CONTINUE, PORNOGRAPHIE)
SCÈNE PORNOGRAPHIQUE.
Zoom sur l’écran, qui prend la totalité de l’image.
POV d’Arnulf entre lui et l’amiral Sokolov
Si Arnulf peut au début être perçu comme une victime de l’amiral, il finit par bien vite s’investir dans le rapport sexuel.
Quand les ébats entre Arnulf et l’amiral sont achevés, l’amiral se rhabille avec nonchalance et quitte son bureau, suivie de ses deux hommes.
Arnulf profite de cet instant de solitude pour, nu, fouiller l’ordinateur de l’amiral.
INT. SALLE DES MACHINES — JOUR (ACTION CONTINUE)
Oksana arrête de se caresser avec la fin de la vidéo. Elle se lève, rajuste sa blouse et récupère la micropuce qu’elle fait tomber par terre et écrase sous son talon. Elle se dirige ensuite vers la porte.
INT. PASSERELLE — JOUR
Oksana entre par la porte de la passerelle et découvre le champ de bataille.
Zéline est allongée à peu près nue, dans les bras d’Arnulf. Ils sont entourés des cadavres de CINQ HOMMES en érection, des cendres d’un noir rougeâtre au sol.
Georges est assis dans son fauteuil de commandement, affairé sur un écran. Quand il voit Oksana, il l’apostrophe.
GEORGES
Je vois que mademoiselle le docteur a choisi le bon moment pour s’éclipser. Alors, cette carte à puce, ça a donné quoi ?
OKSANA
Rien du tout, la vidéo est totalement corrompue, elle est impossible à lire. Il s’est passé quoi ici ?
GEORGES
Oh, rien de bien grave. On a réglé le problème des bêtes noires, le compte est bon. Concentrons-nous plutôt sur les choses importantes. J’ai récupéré les enregistrements des caméras de surveillance du vaisseau, histoire de comprendre un peu ce qui a pu se passer ici.
Regardez, tout commence quand la torpille d’abordage de nos amis terroristes frappe la corvette.
Georges affiche sur l’écran les images de la vidéo-surveillance.
Zéline et Arnulf se lèvent, et avec Oksana, ils s’approchent de l’écran. On y voit une torpille d’abordage crever le mur d’une coursive.
La caméra zoome sur l’écran jusqu’à ce qu’il prenne la totalité de l’image.
INT. COURSIVE (TORPILLE) — JOUR (FLASH-BACK, ACTION CONTINUE)
Zéline sort en premier de la torpille. Elle court dans une direction, suivi de DEUX HOMMES. Arnulf sort de la torpille. Zéline se retourne.
ZÉLINE
(son étouffé d’une caméra de surveillance)
Tu vas où ?
ARNULF
(son étouffé d’une caméra de surveillance)
Saboter les moteurs. Peu importe ce qui nous arrive, il faut stopper ce vaisseau.
ZÉLINE
(son étouffé d’une caméra de surveillance)
OK
Zéline et ses hommes sortent du champ. On entend DEUX TIRS de fusil à plasma. Un HOMME sort de la torpille.
GEORGES (HORS CAMÉRA)
Tiens, le voilà notre traître.
Le traître sort de la torpille et se dirige vers la soute.
BRUIT DE CLAVIER.
INT. SOUTE — JOUR (FLASH-BACK, ACTION CONTINUE)
Un gros cube de métal trône au milieu de la soute autrement vide. Le traître entre dans la soute et essaie de tirer le cube. Celui-ci ne bouge pas. Le traître attrape une poignée et la tire. Cela déclenche l’ouverture du cube. Une lumière rouge sombre sature l’image et la vidéo s’arrête.
La caméra dézoome pour revenir sur la passerelle.
INT. PASSERELLE — JOUR (ACTION CONTINUE)
OKSANA
Ainsi, tout s’explique… Quand le bloc de confinement s’est ouvert, l’orbe rouge a pu entrer en résonnance avec l’orbe bleu de la salle des machines et a créé un champ empathique qui a inhibé à tous notre mémoire. L’énergie rayonnante de l’orbe rouge a comme pris possession des hommes présents dans le vaisseau. Seuls ceux enfermés dans la salle des machines, sur la passerelle ou dans la prison ont manifestement pu échapper aux vibrances de l’orbe. Voilà pourquoi il ne reste que nous quatre. À partir du moment où cette corvette s’écrasera à la surface de la planète, l’orbe bleu et l’orbe rouge ne seront plus séparés et pourront s’accoupler. Ce faisant, ils généreront une puissance explosive telle que la planète Yesod sera détruite.
GEORGES
Vous vous trompez, docteur. Le plan est de larguer l’orbe rouge sur la surface, c’est lui l’oblitérateur de planète.
OKSANA
Et vous pensez vraiment que votre petite corvette pourrait réchapper d’une telle explosion ? Franchement, monsieur le capitaine, ne soyez pas à ce point naïf.
Et non, l’orbe rouge seul n’explosera pas.
ZÉLINE
Il faut absolument dérouter ce vaisseau alors ! On ne peut pas laisser la population de Yesod mourir ainsi.
OKSANA
Vous faites tous preuve d’une candeur stupéfiante. La corvette est programmée pour aller s’écraser et ni moi ni le capitaine de frégate Kent ne pouvons y faire quoi que ce soit. Ne sous-estimez pas l’amiral Sokolov, ses plans sont toujours préparés avec minutie.
ZÉLINE
À notre réveil les moteurs étaient coupés, non ? Pourquoi ne pas les couper à nouveau pour stopper la corvette ?
OKSANA
Oh ! Ma pauvre… Votre maîtrise des bases même de la science est si lacunaire…
Souvenez-vous de la première loi de Newton :
« Tout corps persévère dans l’état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelque force n’agisse sur lui, et ne le contraigne à changer d’état. »
Ou, dit autrement, une fois le vaisseau lancé, moteur ou pas moteur, il continuera d’avancer. Il n’y a dans l’espace, pas d’atmosphère pour le freiner.
ZÉLINE
Dans ce cas-là, il faut saboter l’appareil, faire exploser la bombe dans l’espace, ou que sais-je encore. Mais on ne peut pas rester à ne rien faire !
OKSANA
J’ai essayé de dériver l’énergie de l’orbe bleu vers la soute, afin que l’accouplement se fasse dans l’espace, loin de tout, mais notre ami là-haut dans son fauteuil m’en a empêché et m’a mis en cellule pour éviter que je recommence. Et dans cette cellule, il m’a convaincu que le voir mourir et me voir mourir était le meilleur choix. Et c’est de toute façon trop tard, nous sommes trop près de la planète pour éviter quoi que ce soit. Au moins, notre mort sera tout à la fois brève et flamboyante.
Quelques secondes passent. Arnulf s’approche d’Oksana et l’embrasse. Elle se laisse faire. Sa blouse glisse le long de ses bras et choit au sol.
ARNULF
(murmurant à l’oreille d’Oksana)
Comment sais-tu que nous sommes trop près pour ne pas simplement exploser dans le ciel et laisser la planète sauve ?
OKSANA
(murmurant elle aussi)
Je n’en sais rien du tout, mais plus on tuera, mieux ça vaudra.
Zéline s’approche et pose ses mains sur le corps nu d’Oksana.
La tension sexuelle monte. L’orbe bleu et l’orbe rouge vibrent toujours plus fort en INTERCUT. Le capitaine de frégate Georges Kent se lève de son fauteuil. Il s’approche du groupe et pose lui aussi ses mains sur Oksana.
Oksana se retourne, saisit Georges à la gorge pour l’étrangler, et, tout en l’étranglant, l’embrasse vigoureusement.
INT. PASSERELLE — JOUR (PORNOGRAPHIE, ACTION CONTINUE)
SCÈNE PORNOGRAPHIQUE.
Deux hommes, deux femmes, la fin du monde.
La scène est la dernière du film avant la vue holographique de fin.
FONDU AU NOIR
EXT. VUE HOLOGRAPHIQUE — ESPACE
Apparaît à l’écran la vue holographique du système Yesod, gardant la planète Yesod cachée derrière le soleil. La caméra tourne lentement autour du soleil, pour nous faire découvrir la planète. On entend la voix de l’amiral Alexandra Sokolov.
ALEXANDRA (VOIX OFF)
Les amants étaient heureux, dispos et repus ; quant au vaisseau, sa coque se rompit après avoir étreint les nuées.
Alors que l’amiral finit sa phrase apparaissent les restes de la planète Yesod. La caméra zoome lentement sur la planète jusqu’à avoir une image similaire à celle du début du film, sauf qu’en place d’une planète se trouve un amas d’astéroïdes.
FERMETURE AU NOIR
FIN.
Annexe 1 : Dramatis Personæ
Personnages principaux pornographiques (5)
Princesse Zéline D’Orléannes
Prince Arnulf d’Hasbörg
Lieutenant de vaisseau Georges Kent
Docteur Oksana Zakharina
Amiral Alexandra Sokolov
Figurants pornographiques (4)
Quatre militaires
Figurants (12)
Servante
Mère d’Oksana
Trois médecins
Deux gardes impériaux
Cinq maquisards (nudité dans le film)
Zéline
Âgée d’environ vingt ans, Zéline est blonde, menue, vêtue d’une combinaison de vinyle et des bottes montantes sans talons. Par-dessus cette combinaison, une veste de cuir. Tout au long du film, sa combinaison se déchire, dévoilant jambes, hanches, etc. Si elle commence le film avec un chignon serré, très vite ses cheveux se détachent et restent libres. Elle ne porte pas de sous-vêtements sous sa combinaison.
Dans la scène d’introduction, elle a les cheveux différents, peut-être plus courts, peut-être avec une frange (bien que je trouve les franges fort disgracieuses) ou peut-être tout simplement un peu plus sombres, plus sales. Sa tenue aussi est différente, un treillis militaire noir avec un débardeur.
Arnulf
Âgé d’environ 25 ans, Arnulf est le plus beau des acteurs du casting. Chevelure impeccable, une barbe de quelques jours finement entretenue, etc. Il est vêtu non pas d’une combinaison en vinyle, mais plutôt d’un treillis militaire noir et d’un t-shirt à manches longues. Il a par-dessus une veste en cuir dans le même genre que celle de Zéline afin que le spectateur puisse les identifier comme appartenant au même groupe. Il possède un bras cybernétique et un œil cybernétique qui apparaîtront au cours du film. Un bandage le recouvrira afin de ne pas rendre difficile le tournage des scènes de nu.
Dans la scène d’introduction, il est vêtu d’habits royaux. Est-ce un simple costume bien taillé, ou quelque chose de plus extravagant ?
Georges
Georges est plus grand et plus âgé que tous les autres. Il a environ 40 ans. Militaire de carrière, il en a l’allure et est toujours dans son uniforme d’officier de la marine impériale. S’inspirer des uniformes de Star Wars ne me semble pas déraisonnable.
Oksana
Oksana est une jeune scientifique d’à peine 25 ans. Elle ne porte qu’une blouse blanche, longue et très cintrée. Elle porte des escarpins aux pieds. Elle a de très longs cheveux blonds toujours détachés et porte parfois des lunettes.
Alexandra
Alexandra est un peu l’incarnation de la MILF autoritaire. Elle porte des talons démesurément hauts et son uniforme d’officier de la marine impériale est très strict. S’il a un décolleté, il reste léger. Quant à la jupe, elle arrive aux genoux mais est fendue sur les côtés. Elle porte toujours des bas. Elle est rousse (bon, idéalement blonde… mais si on m’écoutait, il n’y aurait que des blondes), les cheveux attachés en un chignon très haut et très strict. Elle a un peu plus de 30 ans (suivant le scénario, elle a certainement plus, on n’est pas amiral à 30 ans, mais le but est de mettre en scène une MILF, pas des fantasmes gérontophiles).
Militaires
Quatre acteurs pornographiques qui ont un physique et une allure de militaires de carrière, et qui portent l’uniforme impérial, mais un uniforme différent de celui de Georges puisqu’ils ne sont pas officiers.
Servante
Jeune servante qui a la vingtaine, plutôt jolie, et pourquoi pas brune, histoire de ne pas avoir que des blondes dans le film (bien que l’idée ne me déplairait pas).
Une idée de casting intéressante pourrait aussi être de choisir l’actrice qui joue la servante Angarade dans Kaamelott. Le rôle n’ayant rien de pornographique, c’est peut-être envisageable et cela donnerait une visibilité supplémentaire au film (les fans de Kaamelott sont un peu obsessionnels). On est certes à cent lieues de la jeune servante de 20 ans, mais l’idée peut s’étudier.
Mère d’Oksana
Une femme d’une cinquantaine d’années, qui ressemble à la mère d’une fille de 20 ans… Faire revenir une ancienne star de chez Dorcel pour une brève apparition dans ce rôle pourrait être amusant.
Médecins
Trois médecins, peut-être choisir une ou deux femmes parmi ces médecins. Leur allure est très libre, tant ces rôles sont vraiment secondaires.
Gardes impériaux
Deux hommes plutôt jeunes, mais très grands et musclés, portant le même uniforme que les militaires du vaisseau.
Maquisards
Cinq hommes bien bâtis et habillés de la même façon qu’Arnulf. S’ils ne tourneront à proprement parler aucune scène pornographique, ils seront à un moment nus et en érection. Il est donc important qu’ils soient dotés d’un sexe de taille conséquente afin de ne pas détoner avec les autres acteurs.
Annexe 2 : Décors
VUE HOLOGRAPHIQUE
Le film s’ouvre et se ferme sur cette vue holographique du système planétaire. C’est en matière de conception quelque chose d’assez facilement réalisable par un graphiste 3D, mais qui permet de donner une ambiance « stellaire » au film. Nul besoin d’effets spéciaux avancés, une simple modélisation « fil de fer » donnant un aspect holographique sera du plus bel effet — et propulsera dès les premières secondes le film à mille lieues des autres productions pornographiques.
SCÈNES EN EXTÉRIEUR
Il n’y a que très peu de scènes en extérieur, l’essentiel du film se déroulant dans le vaisseau spatial. Le décor de ces scènes en extérieur n’a pas besoin d’être parfaitement conforme aux descriptions proposées.
Ruines urbaines
Cette première scène où apparaît un personnage, en l’occurrence Zéline, a simplement besoin de montrer que Zéline n’est plus une princesse mais une maquisarde qui survit en se cachant dans des ruines. Vieux bâtiment, usine désaffectée, terrain en friche, peu importe, seule compte la tente militaire avec son lit de camp (une tente Décathlon serait du plus mauvais effet). En l’absence de tente, on peut imaginer une simple pièce en ruines qui lui sert d’abri.
Usine désaffectée
Ce décor où se rencontrent Zéline et Arnulf n’a lui non plus aucun impératif. Il faut simplement qu’il donne l’impression d’être isolé du reste du monde, à l’abri des regards.
Ruines urbaines (torpille d’abordage en fond)
Cette deuxième scène de ruines urbaines, où prêtent serment Arnulf et Zéline, doit avoir un décor différent de la première. Zéline est dans le maquis, elle change de lieu régulièrement. La torpille d’abordage en fond n’est pas indispensable. Elle peut être une simple maquette incrustée dans le décor.
SCÈNES EN INTÉRIEUR
Bureau de l’amiral
Le bureau de l’amiral est sobre. Peut-être devrions-nous y trouver un portrait de l’empereur accroché au mur. Un réalisateur plein d’humour y mettrait le portrait de Vladimir Poutine.
Coursive (palais royal)
C’est un simple balcon, où même une terrasse avec une rambarde. Cadrée serré elle peut donner l’impression d’être en hauteur.
Chambre impériale
C’est la chambre où loge temporairement Oksana. Elle est très spartiate, presque vide, semblable à une chambre d’hôtel bas de gamme, mais en gris. Ce gris terne aux relents soviétiques de l’Empire.
Chambre d’hôpital
Là encore, quelque chose de très sobre. D’autant que le souvenir est très flou. Un simple lit avec un seul mur dans le cadre, comme si les trois autres murs étaient effacés de la mémoire d’Arnulf. Mettre du blanc de partout (murs, draps, vêtements) suffit à donner cette atmosphère d’hôpital.
Chambre du prince
C’est la chambre du prince, bientôt intronisé roi. C’est une chambre probablement assez similaire à celles qu’utilisent habituellement les réalisateurs des productions Dorcel pour leurs tournages quand ils veulent un lieu avec un peu de cachet.
SCÈNES DANS L’ESPACE
Le vaisseau spatial est le centre de l’intrigue du film. La plupart des scènes s’y déroulent. Pour le tournage, il suffit donc d’une pièce dont on aura paré les murs en leur donnant des allures de vieux sous-marin (gris, métallique, sans autre fioriture que des rivets et des poutres en acier). Cette pièce servira de décor de base pour toutes les autres pièces du vaisseau.
Un excès de raffinement nous pousserait également à réaliser une maquette du vaisseau spatial pour filmer le vaisseau lui-même se déplaçant dans l’espace, à la manière des films Star Wars. Mais c’est un travail peut-être un peu gros pour le peu de bénéfice cinématographique apporté.
Soute
La soute est la pièce la plus large. Elle contient l’orbe rouge (dont le cocon et sa lumière seront peut-être plus réussis ajoutés comme effets spéciaux en postproduction). Pour tourner les scènes où on regarde la soute par le hublot, on aura qu’à ajouter un mur amovible avec un hublot et filmer à travers lui.
Coursive de la prison, de la soute, de la torpille & de la salle des machines
Hormis la coursive de la soute qui est plus large et permet à trois hommes d’être de front, les coursives sont toutes semblables, très étroites, un seul homme peut marcher de front, renforçant cette atmosphère de sous-marin stellaire. Il n’y a qu’à ajouter un mur amovible muni d’une porte pour faire une coursive. La plus grande difficulté sera pour la torpille d’abordage ayant crevé le mur d’une coursive.
Prison
La prison est très sobre. Il faut simplement un mur amovible qui soit une baie vitrée, simulant la cellule de la prison. Le mobilier de la prison est constitué d’un banc dans la cellule (idéalement un bloc de béton comme dans nos cellules de garde à vue), d’une table dans la pièce avec des casiers de rangement.
Salle des machines
Les décors de cette pièce seront un peu plus techniques. Il faudra placer de fausses consoles, commandes de contrôles et écrans. Une atmosphère très années 70 avec des écrans LCD monochromes verts donnerait un certain charme.
Passerelle
La passerelle est la pièce principale du film. Il lui faut un pont de commandement surélevé où trône le fauteuil du commandant de bord, avec devant ce fauteuil, les commandes et moniteurs de vol.
Les Plaintes d’un Icare
Les amants des prostituées
Sont heureux, dispos et repus ;
Quant à moi, mes bras sont rompus
Pour avoir étreint des nuées.
C’est grâce aux astres nonpareils,
Qui tout au fond du ciel flamboient,
Que mes yeux consumés ne voient
Que des souvenirs de soleils.
En vain j’ai voulu de l’espace
Trouver la fin et le milieu ;
Sous je ne sais quel œil de feu
Je sens mon aile qui se casse ;
Et brûlé par l’amour du beau,
Je n’aurai pas l’honneur sublime
De donner mon nom à l’abîme
Qui me servira de tombeau.
Charles Baudelaire